Des hommes et des lieux - Interview du Fr David Vern
Publié le 04/03/2022Église en Corrèze – Combien de personnes passent par les Grottes chaque année ? Comment les accueillez-vous ?
Frère David Vern – C'est difficile de quantifier le nombre de pèlerins. Ils sont très nombreux, entre 50 000 et 100 000. C'est un lieu de paix, tout le monde peut venir tel qu'il est pour déposer ses joies et ses peines.
Une permanence est systématiquement mise en place. Tout pèlerin peut à tout moment demander la présence d'un frère ou d'un prêtre pour pouvoir parler, bénir des objets, ou simplement déposer des prières, intentions de messe. Nous essayons également d'être présents sur l'espace des Grottes, puisque les personnes qui viennent sur cette partie du sanctuaire ne rentrent pas nécessairement dans l'hôtellerie ou le magasin.
Peut-on considérer saint Antoine comme un perpétuel pèlerin ?
Oui ! Il a parcouru toute l'Europe. Les historiens estiment qu'il pouvait faire 30 km à pied par jour. À l'époque, les frères n'avaient pas le droit de monter à cheval, puisque le cheval était le privilège des riches. Les frères voulaient être au plus près des personnes démunies.
Aujourd'hui, nous utilisons pour nous déplacer des moyens de transport ultra-rapides, mais prenons-nous vraiment le temps de cheminer ? Nous ne devons pas considérer le temps comme un obstacle ; c'est au contraire notre meilleur allié dans notre vie spirituelle.
Existe-t-il une tradition franciscaine du pèlerinage ?
Saint François aussi était un grand marcheur. N'oublions pas que les frères, dès le début, ont été envoyés depuis Assise dans toute l'Europe, également jusqu'en Chine, en Mongolie, au Maroc… Ils sont partis à pied, ont évangélisé les populations qu'ils ont rencontrées. Nous pouvons évoquer aussi la Terre Sainte, l'une des grandes traditions de l'Ordre. Ce sont les frères qui se sont vus confier la garde, la custodie, de tous les lieux saints depuis le XIIIe siècle.
La mobilité, le mouvement sont essentiels pour nous. Saint François voulait justement éviter cette dimension statique qu'ont les moines. Notre vie est très proche de la leur, mais avec la dimension de la mission, du déplacement physique, image du déplacement intérieur.
Quel est le sens de cette mobilité ? Dieu étant partout, pourquoi se déplacer dans un lieu particulier pour le prier ?
C'est vrai qu’il est possible d'être chrétien sans se déplacer. Mais le fait d'aller sur un lieu porteur met du relief dans notre prière. Nous avons besoin d'être constamment retravaillés en profondeur au sein même de notre vie spirituelle. Se déplacer, aller vénérer des reliques permet de rencontrer d'autres personnes, d'autres cultures, d'autres expressions de la foi.
Par exemple, nous avons des frères qui sont de rite copte. Au sein même de l'Ordre, en allant en pèlerinage en Terre Sainte, il est donc possible de rencontrer des frères qui prient en langue arabe, avec une expression liturgique différente de la nôtre. C'est toujours une richesse, une manière de stimuler notre vie spirituelle.
Cela nous rappelle aussi que l'amour de Dieu est plus grand que ce que nous sommes et faisons. Quelque soient nos errances, à tout moment, il est possible de revenir à cette source et retrouver le goût de cette rencontre avec Dieu.