Rebâtir les biens et les liens — Diocèse de Tulle

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Rebâtir les biens et les liens

Publié le 28/02/2025
Agronome de formation, Lorenzo Ossoli, dont la famille est installée en Corrèze, travaille depuis 21 ans dans la Coopération. Représentant de la fondation AVSI pour l'Irak, il nous dresse un état des lieux du pays.
Église en Corrèze – La fondation AVSI est très connue en Italie mais moins en France. Pourriez-vous la présenter ?

Lorenzo Ossoli – La fondation AVSI a été fondée il y a 52 ans, à l’initiative d’un mouvement catholique, Communion et Libération. Au début, il s'agissait simplement de répondre aux besoins exprimés par des communautés locales en Afrique, dans les secteurs de la santé et de l’agriculture. Au fil du temps, l'association s'est développée et structurée. 2000 personnes travaillent aujourd'hui pour nous, avec de nombreux bureaux ouverts dans différents pays au monde.

Vous êtes représentant de cette fondation pour l’Irak. Sur quel type de projets travaillez-vous ?

Dans le cas de l’Irak, nous avions une présence ponctuelle depuis les années 1990, dans les domaines de la santé et de l'éducation. En 2014, quand s’est déclenchée la guerre civile, nous avons décidé d'établir une présence stable, en soutien pour les personnes qui s’étaient échappées de la destruction causée par Daech et s’étaient réfugiées à Erbil, dans le Kurdistan irakien.

Paradoxalement, c’est lorsque l’état islamique s’est créé que vous avez décidé d’investir l’Irak ?

Oui. Il y avait une demande forte de l’Église locale pour soutenir les communautés en détresse. Il y a eu une persécution très forte envers les chrétiens et d’autres groupes ethniques comme les yézidis. Notre intervention avait lieu dans les camps de réfugiés, au niveau de la nourriture et de l’éducation. Nous avons soutenu les sœurs dominicaines pour mettre en place une école pré-primaire à l’intérieur du camp. À partir de 2018, nous nous sommes focalisés sur l'aide au retour. La guerre s’est terminée en 2017 et donc les gens commençaient alors à rentrer chez eux. Toujours en collaboration avec l’Église locale, notre première intervention fut d’accompagner la communauté de Qaraqosh qui s'était déplacée à Erbil dans ce camp de réfugiés. Qaraqosh est à 15 minutes de Mossoul. Pris par surprise, les gens de Qaraqosh ont dû s’enfuir avec le peu de choses qu’ils avaient sur eux, en laissant leurs biens sur place. Quand ils sont rentrés, toute la ville avait été détruite. Lorsque Daech a réalisé qu’ils étaient en train de perdre la guerre, ils ont mis le feu à toutes les fermes, tué les animaux, dans le but de ne rien laisser derrière eux. Au retour des réfugiés, l’Église a cherché des financements pour la reconstruction des maisons, puis le développement des activités économiques. Nous avons concentré nos efforts sur le soutien aux agriculteurs, pour les aider à faire repartir leurs cultures et élevages. En parallèle, nous avons aidé les sœurs dominicaines et franciscaines pour le redémarrage de leurs écoles. Nous aidons aussi un hôpital en envoyant des médecins italiens qui viennent former du personnel local.

Vous avez vécu plusieurs années en Irak et vous y retournez régulièrement. Quelle est la situation ?

Dans le Nord de la plaine de Ninive, la zone la plus affectée par la guerre, à partir de 2018 et surtout après 2019, il y a un énorme effort de reconstruction. Les Irakiens possèdent ce désir de reprendre une vie normale et de laisser derrière eux la guerre. En même temps, la situation est très instable : Daech reste encore présent sur le territoire et la situation est fortement dépendante du jeu d'influences extérieures.

Les chrétiens, vous vous en doutez, ont été très fortement affectés. Les données ne sont pas précises, mais avant la guerre, on estime que plus d’un million de chrétiens vivaient dans le pays. Maintenant, ils sont 250 000. Ce n'est pas seulement la guerre en elle-même qui entraîne l'exode, c'est aussi son impact psychologique. Ce qui s’est passé avec Daech, c’est vraiment une explosion de violence complètement imprévue, y compris parfois de leur voisinage immédiat, qui les a mis dans un état d’insécurité qui subsiste encore.

Il y a eu un vrai espoir durant le voyage du Pape François qui a eu un impact énorme du point de vue psychologique, qui a beaucoup marqué aussi la communauté musulmane. Mais ce n'est pas suffisant.

À terme, les chrétiens sont-ils condamnés à disparaître en Irak ?

Je ne pense pas qu’ils vont disparaître, car ceux qui sont restés sont fermement attachés à leur pays. Ils ne partiront pas. Il y aura sans doute un changement géographique, le Kurdistan irakien qui est la zone la plus sûre, va sans doute devenir le centre de l'implantation. Ils se sentent en sécurité à Erbil et ils y sont très bien accueillis. On peut imaginer un futur beaucoup plus paisible pour le Kurdistan irakien et pour toute la communauté chrétienne qui est là-bas.

Pour les communautés chrétiennes présentes à Bagdad, Mossoul, Qaraqosh, nous sommes dans l'expectative. Ils n’auront plus d’impact politique sur la région, ils sont devenus la minorité. Difficile de dire ce qui va se passer dans les prochaines décennies…

Que pouvons-nous faire pour essayer d’aider à notre petit niveau à construire la paix ?

La première chose, c’est l’accueil : tous les chrétiens, comme d'autres minorités persécutées, qui se sont échappés de la guerre sont partis vers l’Europe ou les États-Unis. Soyons ouverts et fraternels pour ces personnes qui cherchent à se sauver de situations objectivement dramatiques. C'est le premier geste de paix.

Il est possible aussi de soutenir les associations qui travaillent dans ces pays avec les minorités. Du côté de la fondation AVSI, nous avons un projet de soutien aux enfants, principalement pour la scolarisation mais dans certains cas aussi au niveau alimentaire ou sanitaire. 

Pour se renseigner sur la fondation AVSI et la soutenir dans ses projets : avsi.org (site en anglais ou italien)

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