Retour sur l’Assemblée plénière des évêques, à Lourdes
Revenu à Tulle, après une semaine avec mes frères évêques réunis en Assemblée plénière, à Lourdes, j’écris ces lignes pour vous faire partager, même si c’est sommairement, quelques fruits de notre travail.
Ce qui aura le plus marqué cette Assemblée, c’est l’accueil et l’écoute de 8 personnes victimes d’abus sexuels commis par des clercs. Depuis près de vingt ans, la Conférence des évêques de France a entrepris un travail de réflexion sur les mesures à mettre en œuvre dans la lutte contre la pédophilie et plus largement contre les abus sexuels. Dans les diocèses ou les Provinces ecclésiastiques, des Cellules d’accueil et d’écoute des victimes ont été mises en place. Dans la plupart des cas, il s’agit d’actes commis il y a plus de 20, 30 ou 40 ans, et dont les auteurs sont décédés. Il faut des années pour que les victimes puissent parvenir à en parler et à exprimer leur souffrance, pour essayer de soigner leurs blessures. Dans notre Assemblée, un consensus est apparu : nos initiatives prises depuis des années pour lutter contre ce fléau et pour la prévention ne suffisent pas ; il nous faut travailler avec d’autres personnes et avec les victimes elles-mêmes. Voilà pourquoi nous avons voté la création d’une commission indépendante pour faire la lumière sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Eglise catholique depuis 1950, pour comprendre les raisons qui ont favorisé la manière dont ont été traitées ces affaires, pour faire des préconisations et pour évaluer les mesures prises par la Conférence des évêques. Un rapport sera rendu public dans deux ans.
Autre sujet qui nous a occupé : l’Europe. Nous avons entendu M. Enrico Letta, ancien Président du Conseil de la République italienne et Frère Olivier Poquillon, Dominicain, secrétaire de la Commission des Episcopats de la Communauté européenne. L’Europe est à un tournant de son histoire. C’est clair qu’elle n’est plus le centre du monde. De plus, pour toutes sortes de raisons, sa cohésion est menacée. La sortie du Royaume-Uni en est un signe, mais aussi les tentations de replis égoïstes et nationalistes qui s’amplifient. Face à la montée en puissance de la Chine, de la rupture de plusieurs équilibres mondiaux, l’Europe a plus que jamais besoin d’un nouveau souffle si elle veut espérer jouer encore un rôle dans le monde. Aucun pays de l’Europe, à lui seul, ne peut prétendre avoir un quelconque poids face aux grandes puissances. Les prochaines élections européennes pourront-elles relever ce défi ?
Nous avons aussi continué de réfléchir sur les nouvelles ritualités civiles qui interrogent notre foi et son expression dans la liturgie. M. Arnaud Join-Lambert, théologien belge, nous a apporté des éclairages, en particulier sur la place de l’émotion dans les rites liturgiques. En forum, les évêques ont abordé les thèmes suivants : liturgie et émotion, la piété populaire, foi universelle et pastorale sacramentelle, les rites de guérison.
Nous avons fait le point sur un travail en cours mené par la Commission épiscopale pour les ministères ordonnés : l’écriture d’une Ratio nationalis pour la formation des Séminaristes, qui sera l’adaptation à la France de la Ratio fundamentalis donnée comme base de travail par le Saint-Siège en 2017. Dans nos débats ont été évoqués des sujets et des questions portant par exemple sur la place des femmes et des familles dans la formation des séminaristes et dans le discernement, le rôle des évêques par rapport au Séminaire, les critères d’appels, etc. Nous poursuivrons ce travail à la prochaine Assemblée.
Nous avons voté l’approbation de la nouvelle traduction en français du Missel Romain pour les pays francophones. C’est l’aboutissement de plusieurs années de travail de la Commission épiscopale pour la liturgie et de spécialistes en la matière. Le nouveau missel en français pourrait voir le jour dans un an.
Enfin, au terme d’un travail d’évaluation, nous avons procédé à quelques modifications dans les Statuts de l’Enseignement catholique promulgués il y a cinq ans. Ces Statuts semblent donner pleine satisfaction ; les modifications ont porté sur les points suivants : le Conseil économique des Affaires Scolaires, le Comité de l’Enseignement catholique, le Conseil de Tutelle, etc. D’autre part, nous avons approuvé la mise en place d’un processus de réflexion et de mises en œuvres de solutions pour faire droit à une double nécessité : pouvoir créer et développer des Etablissements scolaires dans les territoires en expansion démographique tout en veillant à la sauvegarde des petits Etablissements dans les zones rurales. Cela implique de se montrer créatifs pour transférer des postes à l’intérieur d’une enveloppe globale des moyens qui sont octroyés par l’Etat. C’est un grand défi à relever si l’on veut que l’Enseignement catholique puisse encore se développer en tenant compte des évolutions de la population, alors que les moyens globaux qui lui sont octroyés n’augmentent pas et même peuvent diminuer. Cela nécessite une grande concertation des différents acteurs sur le plan local (Etablissements), régional (Directions diocésaines) et national (Secrétariat général de l’Enseignement catholique).
Je vous souhaite un bon temps de l’Avent pour nous préparer à célébrer la fête de la Nativité du Sauveur !
+ Francis Bestion
Evêque de Tulle