19 octobre 2014 - 29ème dimanche du Temps ordinaire- Année A
Ce dimanche consacré à la prière pour la mission dans l'Eglise universelle et, en même temps, la visite pastorale de votre évêque sont une invitation à réfléchir à la manière dont nos communautés paroissiales portent le souci de la mission et sont elles-mêmes des communautés missionnaires.
Aujourd'hui, l'annonce première de l'Evangile ne vise plus seulement les pays lointains, comme c'était le cas autrefois, lorsqu'en France, en Corrèze, nous pouvions nous considérer comme un pays et un diocèse chrétiens, chargés de christianiser des peuples païens, au loin.
L'image de missionnaires à la longue barbe, partant de chez nous pour l'Afrique ou l'Asie, fait désormais partie des images d'Epinal, même si elle peut encore rester liée dans certains esprits à la notion de "mission".
Aujourd'hui, nous savons bien que la rencontre entre l'Evangile du Salut en Jésus-Christ et les diverses sagesses ou cultures des hommes (mais aussi leurs croyances et leurs idolâtries) n'est plus une question géographique, mais que c'est bel et bien une réalité actuelle, ici, chez nous. La rencontre entre la foi chrétienne et le paganisme ce n'est plus en Papouasie, en Cochinchine, ou chez les Inuits qu'elle se vit, mais ici, en France, en Corrèze, en 2014.
Dans les diocèses de France, dans notre Corrèze, nos villes et villages, la foi chrétienne a cessé ou presque d'être quelque chose de traditionnel, de sociologique, de naturel. Aujourd'hui, la foi relève d'un choix personnel et libre. Et de fait, c'est ce qui explique la baisse importante de la pratique religieuse, mais aussi, de manière positive, l'augmentation significative, dans tous les diocèses de France, du nombre des catéchumènes – enfants, jeunes et adultes – qui découvrent Jésus-Christ et qui demandent le baptême, la confirmation et l'eucharistie, c'est-à-dire qui veulent être initiés à la foi. On constate que ceux qui essayent de vivre l'Evangile dans l'Eglise catholique le font librement, par choix personnel, sans y être aucunement forcés. C'est même une sorte de miracle permanent que des enfants et des jeunes auxquels les parents n'ont pas transmis la foi puissent tout de même la découvrir et demander à recevoir le baptême.
Frères et sœurs, ce que je vous dis là indique que notre mission, et donc aussi la conception que nous pouvons nous faire de cette mission, prennent désormais une dimension nouvelle et plus ou moins inédite. Il ne s'agit plus, aujourd'hui, de se contenter d'être une sorte de noyau dur autour duquel gravite une foule indistincte d'électrons libres encore globalement attachés à certaines valeurs du christianisme… Il s'agit encore moins de se mettre dans la posture d'une citadelle assiégée devant à tout prix résister aux assauts d'une société sécularisée… Tout cela serait sans aucun doute mortifère et contraire à l'esprit de l'Evangile. L'Eglise n'est pas une secte. L'Eglise de Jésus-Christ est faite – c'est sa nature – pour être missionnaire. Cela signifie que chacune et chacun d'entre nous, comme baptisés, disciples de Jésus-Christ, membres à part entière de l'Eglise, nous devons être les prophètes de l'Evangile du Christ à l'égard des hommes et des femmes autour de nous, qui n'en ont jamais entendu parler. Certains s'en sont éloignés, d'autres le refusent, mais surtout la plupart en ignorent tout ou presque tout. Il faut que nous prenions vraiment conscience de cette nécessité de la mission aujourd'hui – mission que les derniers papes ont qualifié de "nouvelle évangélisation".
Oui, la France est un pays de mission ; oui, la Corrèze est un pays de mission. Et, par conséquent, tous ceux et celles qui, dans notre pays, dans notre diocèse, font le choix de vivre en disciples de Jésus Christ et essayent d'être fidèles à ce choix en mettant en pratique l'Evangile dans leur vie quotidienne, ceux-là sont véritablement envoyés en mission ; ils sont des missionnaires des temps modernes !
Notre pays, notre diocèse, nos paroisses, nos villes et villages ont besoin de missionnaires. Mais, chers amis, entendons-nous bien sur cette expression "avoir besoin de missionnaires". Ici et là, il arrive que des chrétiens m'interpellent : "Monseigneur, faites venir des prêtres africains !" D'abord, je leur réponds que nous en avons déjà ! En Corrèze, ils sont 6 venant de plusieurs pays et diocèses du continent africain et un de Pologne. En France, ils représentent déjà 10 % du clergé. Ce n'est pas rien. Mais croyez-vous réellement que cela soit une panacée universelle ? Croyez-vous que ce soit l'ultime solution pour répondre au défi de nos Eglises locales, lorsque je dis qu'"elles ont besoin de missionnaires" ? Avec vous, je suis infiniment reconnaissant et admiratif envers ces prêtres de l'étranger venant chez nous, mais je sais aussi – et c'est mon devoir de le dire – que ce serait suicidaire et surtout peu compatible avec la nature même de la mission que de compter uniquement sur des forces neuves venant d'ailleurs pour faire vivre notre Eglise locale et pour faire en sorte qu'elle soit missionnaire.
Loin de moi, loin de nous l'idée de nous contenter de réaliser des opérations de survie pour une Eglise en déclin ! Surtout pas ! Voilà pourquoi il est très important que nous comprenions tous, membres de notre Eglise diocésaine, que les prêtres qui sont les pasteurs indispensables des communautés chrétiennes, ne sont pas envoyés pour être les gérants d'une vie paroissiale qui cherche à subsister vaille que vaille. Les curés des paroisses ne sont pas envoyés non plus comme "les derniers des Mohicans" pour administrer tant bien que mal des soins palliatifs à un organisme moribond… Les curés doivent être les pionniers d'un effort missionnaire renouvelé, d'une annonce de l'Evangile renouvelée, et je sais bien que c'est ce qu'ils s'efforcent d'être, malgré leur âge souvent avancé et parfois leur fatigue. Ils ne sont pas envoyés pour expliquer aux fidèles qu'ils sont chrétiens (cela ils le savent déjà) ; ils ne sont pas envoyés pour annoncer l'Evangile à des personnes qui le possèdent aussi bien qu'eux ; mais ils sont envoyés pour être les pasteurs qui réveillent, qui stimulent, qui guident la force missionnaire de toute la communauté chrétienne et qui l'aident à saisir qu'elle ne sera vraiment communauté chrétienne que si elle sort d'elle-même, que si elle ne se replie pas sur elle-même, que si elle ne se contente pas de vivoter. Le pape François ne cesse de rappeler que la mission est une grande urgence pour nos communautés, et à laquelle tous les membres sont appelés à prendre part, chacun à sa mesure, selon ses moyens et ses charismes, parce que, justement, "l'Eglise est, de sa nature même, missionnaire ; elle est née "en sortie"".
Aujourd'hui, les curés qui sont envoyés dans les paroisses – qu'ils soient autochtones ou qu'ils viennent de l'étranger – ne le sont pas pour être missionnaires à la place des autres membres de la Communauté, mais avec eux, pour les guider et les soutenir, les stimuler et les encourager dans leur mission prophétique de "disciples-missionnaires" de Jésus Christ. C'est toute la communauté chrétienne, dans chaque paroisse, qui est appelée à être, avec ses pasteurs, l'acteur de la mission du Christ aujourd'hui.
Permettez-moi d'ajouter, en reprenant les paroles du Saint Père dans son message pour cette journée missionnaire mondiale, que c'est de la ferveur missionnaire de nos communautés paroissiales que dépendent en grande partie les vocations au Sacerdoce et à la vie consacrée. Je cite le pape : "dans de nombreux pays, le manque de vocations est dû à l'absence d'une ferveur apostolique contagieuse au sein des communautés, absence qui les rend pauvres en enthousiasme et fait qu'elles ne sont pas attirantes". Et il poursuit en indiquant le remède à cette situation : "J'encourage donc les communautés paroissiales, les associations et les groupes à vivre une vie fraternelle intense, fondée sur l'amour de Jésus et attentive aux besoins des plus défavorisés. Là où il y a de la joie, de la ferveur, le désir de porter le Christ aux autres, jaillissent d'authentiques vocations. Et parmi celles-ci les vocations laïques à la mission ne doivent pas être oubliées".
Frères et sœurs du groupement paroissial de Saint-Privat, je vous encourage, autour de votre pasteur, à avancer dans ce souci et cette urgence de la mission. Je remercie tous ceux et celles qui sont actifs au service de leur communauté paroissiale et de l'ensemble des paroisses. J'en ai rencontré plusieurs, hier après-midi, et j'ai vraiment été impressionné par leur foi, leur dynamisme, leur courage pour l'animation de la vie chrétienne et pour l'annonce de l'Evangile. Puissiez-vous, les uns et les autres, selon l'expression du pape, "immerger dans la joie de l'Evangile", afin d'alimenter la flamme de l'Amour que le Seigneur met en vous et qui est "capable d'illuminer votre vocation et votre mission" de disciples-missionnaires de Jésus. Amen
+ Francis Bestion,
Evêque de Tulle