14 février 2018 - Messe des Cendres
Frères et sœurs, la plupart d’entre nous n’en sommes pas à notre premier Carême ! Estce à dire que pour autant notre conversio soit déjà faite ? Frères et sœurs, la plupart d’entre nous n’en sommes pas à notre premier Carême ! Est-ce à dire que pour autant notre conversion soit déjà faite ? Vous et moi savons bien que la succession des carêmes depuis nos jeunes années
jusqu’à aujourd’hui a sûrement permis à la grâce divine de produire des fruits dans nos âmes, mais que nous nous
gardons bien de penser qu’il n’y a plus rien à convertir dans notre relation à Dieu et aux autres.
Le fait de revivre chaque année un nouveau cycle liturgique et donc une nouvelle Pâque avec le temps de Carême pour nous y
préparer, ne nous installe pas dans une routine monotone, mais, bien au contraire, nous tient éveillés et pour ainsi dire soucieux
de notre cheminement sur la route de Dieu, la route du Salut. Le Bx Pape Paul VI, dans une homélie pour le mercredi des cendres,
en 1976, parlait de ce retour annuel du Carême et de la Pâque comme d’une « faveur secrète de la Providence », accordée aux
chrétiens, parce que « le Seigneur tient dans sa main le calendrier de nos années et qu’il possède l’horloge de nos jours ».
N’en va-t-il pas, disait-il, de notre vie comme de la réalité de ce figuier stérile dont parlent les évangiles, et pour lequel le
serviteur implore le Maître du domaine d’attendre encore une année pour le couper, dans l’espoir qu’il produira peut-être du fruit ?
Et le pape d’ajouter, avec gravité, que si le Seigneur nous accorde, une fois encore, de parcourir un nouveau cycle de l’histoire
de notre salut, et donc avec un nouveau carême, c’est que celuici peut être décisif pour notre destinée éternelle, et qu’il ne faut
pas perdre cette occasion propice. Il s’agit là, ajoutait le Saint-Père « du premier chapitre de la spiritualité
de ce temps de Carême : l’évaluation du temps qui passe comme élément précieux pour notre bien spirituel, pour
notre cheminement sur la route vers Dieu », bref pour notre salut.
Notre époque fait courir beaucoup de gens, y compris nous-mêmes, après le temps, au point de n’en avoir jamais assez pour faire
ceci ou cela…, mais au risque de perdre de vue la seule urgence véritablement nécessaire, celle qu’on ne peut différer,
celle du jour du Salut. « C’est aujourd’hui le temps favorable, c’est maintenant le jour du salut », comme le dit saint Paul aux
corinthiens.
Aujourd’hui, nous écoutons l’appel du prophète Joël à « déchirer nos cœurs » : « maintenant, revenez à moi de tout votre cœur…
Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux ». Ce retour
à Dieu devient vraiment une réalité concrète dans notre vie seulement lorsque la grâce divine du Salut parvient à entrer au
plus intime de nous-mêmes et nous secoue, en nous donnant la force de « déchirer nos cœurs ». Dans notre société, beaucoup de
gens sont prêts à déchirer leurs vêtements en face des scandales et des injustices – commis bien sûr par d’autres –,
certains dans l’univers des media n’hésitent pas à usurper le pouvoir des procureurs et des juges, mais combien sont prêts à agir
sur leur propre cœur, sur leur propre conscience, pour laisser le Seigneur les transformer, les renouveler et les convertir ?
Cette dimension personnelle de la conversion est exprimée fortement dans l’Evangile de ce jour, au sujet de la prière, du jeûne
et de l’aumône, trois attitudes de la démarche pénitentielle du Carême, qui ne s’accommodent pas de démonstrations publiques
et de mises en scènes spectaculaires. C’est dans le secret du cœur – où Dieu connaît en vérité nos intentions profondes – que
s’effectue le retour à Lui, la conversion, le « revenez à moi de tout votre cœur ».
Cette dimension personnelle de la conversion n’est pourtant pas en contradiction avec le caractère communautaire si essentiel
de la foi et de la vie chrétienne. Entrer dans le carême par une célébration liturgique communautaire exprime bien la dimension
ecclésiale de la foi. Le chemin pénitentiel, éminemment personnel, n’en demeure pas moins ecclésial. Personnel ne signifie pas
individuel et solitaire. La solidarité dans la foi est aussi bien solidarité dans l’espérance et dans la charité. Le témoignage du
carême vécu dans une communion ecclésiale plus intense et plus évidente, en surmontant les individualismes, les rivalités,
les divisions et les jalousies, est un signe humble et très précieux en direction de ceux qui sont loin de la foi ou indifférents.
Que l’austère rite des cendres qui vont être imposées sur nos têtes ne nous fasse pas imaginer que la pénitence du carême
devrait être synonyme de tristesse ! Une certaine gravité de la démarche de conversion ne s’oppose en rien à la joie du baptisé
qui désire de tout son cœur entrer dans l’entraînement spirituel du carême pour se préparer à célébrer la grande solennité de
Pâques. C’est cette même joie qui habite le cœur de nos frères et sœurs catéchumènes qui vivront, dimanche prochain, ici même,
le rite de l’appel décisif par l’évêque, pour entreprendre l’ultime étape qui les préparera au sacrement de l’illumination pendant
la Vigile pascale. Accompagnonsles intensément de notre prière et de notre proximité fraternelle ! Que la Vierge Marie, modèle
du véritable disciple, soit à nos côtés pour cette route du Carême. amen.
+ Francis BESTION