17 juin 2018 - 11ème dimanche du Temps ordinaire
Frères et sœurs,
Dans quelques minutes notre frère David va recevoir l’ordination au diaconat. Pourquoi va-t-il recevoir cette ordination ? Parce que le Seigneur l’a appelé et qu’il a répondu à son appel. Toute vocation est la rencontre
entre la grâce de Dieu et la liberté d’une personne humaine. Il faut un appel et il faut un « oui ». Tous les récits de vocation
dans la Bible – et ils sont nombreux – manifestent cette double réalité d’un appel divin et d’une réponse humaine. Mais il faut
aussitôt ajouter que cette réponse humaine a encore besoin de la coopération de la grâce, car elle dépasse nos seules forces
et notre seule intelligence. Pour éclore, pour mûrir, pour grandir, le « oui » à l’appel du Seigneur a besoin de la grâce de Dieu.
Cela est clairement exprimé dans les rites de l’ordination, lorsque l’évêque interroge l’ordinand. A la dernière demande de
l’évêque, l’ordinand répond : « oui, je le veux, avec la grâce de Dieu ».
Comment être sûr de ne pas se tromper, de se faire illusion quant à cet appel du Seigneur et la réponse qui lui est donnée ?
Celui qui pense avoir reçu l’appel s’en remet au discernement de l’Eglise. En dernier lieu, c’est l’évêque qui appelle aux Ordres
sacrés et il ne peut le faire que parce qu’il a reçu le témoignage de ceux qui ont reçu la mission de former et de discerner
et qui, eux-mêmes prennent soin d’interroger ceux et celles qui connaissent le candidat parce qu’ils l’ont accompagné, d’une manière
ou d’une autre, tout au long de sa formation. C’est ce qu’a manifesté le rite de l’appel au commencement de notre célébration.
Le supérieur du Séminaire a répondu à la question de l’évêque : « le peuple chrétien a été consulté, et ceux à qui il appartient
d’en juger ont donné leur avis. Aussi j’atteste qu’il a été jugé digne d’être ordonné ». Et j’en profite pour remercier le Supérieur
du Séminaire, le Père Ayouaz et toute l’équipe des formateurs ; ils accomplissent une très belle mission, mais il faut prier
pour eux, parce que c’est une mission délicate et exigeante.
Frères et sœurs, l’ordination de David au diaconat est un signe. Elle est un signe parce que l’Eglise à qui il est remis par la
grâce divine est elle-même un signe. C’est ce que dit la Constitution sur la sainte liturgie du Concile Vatican II : la liturgie – et nous sommes ici dans
une action liturgique – montre l’Eglise à ceux qui sont dehors « comme un signal levé devant les nations ». Je voudrais m’arrêter
sur deux moments de la liturgie de l’ordination, qui précèdent le rite essentiel de l’imposition des mains et de la prière
consécratoire qui feront de David un ministre ordonné. Le premier est celui de l’engagement au célibat, le second celui de la
promesse d’obéissance. Les deux sont des signes importants pour l’Eglise et pour le monde, parce qu’ils vont à contre-courant de l’ambiance de nos sociétés modernes.
- C’est hautement significatif qu’un homme, pour répondre à l’appel du Seigneur et l’appel de l’Eglise, accepte librement de
consacrer sa vie, toute sa vie au service du Seigneur et de ses frères, non pas en restant célibataire, mais en choisissant le
célibat consacré comme état de vie, comme don de toute sa personne, attaché au Christ d’un cœur sans partage, poussé
par une charité sincère envers le Christ. Dans une société où prime la recherche des plaisirs, où l’on passe sans cesse d’une
chose à l’autre, une société où l’éphémère est roi, où l’engagement durable et la fidélité sont perçus comme des carcans,
s’engager au célibat pour le Royaume de Dieu est un signe de contradiction. A tel point, cher David, que vous rencontrerez
beaucoup de personnes, y compris des chrétiens, qui vous plaindront en se demandant pourquoi l’Eglise ne vous a pas permis
de vous marier… C’et bon signe ! Ca prouvera que votre état de vie ne les laisse pas indifférents. Et vous pourrez leur
expliquer que, de même que l’Eglise ne les a pas forcés à se marier, de même, elle ne vous a pas forcé à choisir le célibat.
- Le second signe qui va être donné est celui du geste et de la parole par lesquels vous allez promettre obéissance à l’évêque
et à ses successeurs. Il manifeste la volonté de se laisser configurer au Christ qui n’a pas retenu le rang qui l’égalait à Dieu
le Père, mais qui s’est fait obéissant en prenant la condition du serviteur, jusqu’à la mort, comme le dit l’épître aux philippiens,
pour sauver l’humanité. Dans notre société où l’individualisme est devenu très prégnant, où règne bien souvent le chacun
pour soi et où les désirs individuels veulent être érigés en absolu, où le bien commun est perdu de vue, le signe que vous
allez poser est pour ainsi dire prophétique. Il indique que le subjectivisme, la recherche de soi, de l’épanouissement personnel
ne peuvent pas être la règle suprême, qu’il y a une réalité qui leur est supérieure, celle du don de soi pour le service des autres.
Aujourd’hui, David, en vous laissant configurer au Christ serviteur, en vous engageant au célibat, en promettant obéissance,
vous devenez signe dans l’Eglise et pour le monde d’une réalité qui vous dépasse, qui nous dépasse tous, celle du Royaume
de Dieu. Dieu est plus grand que nous, il est plus grand que le monde, il est plus grand que toutes nos idées et nos projets.
Le Père a envoyé son Fils dans le monde et le Fils a donné naissance à son Eglise, en prêchant l’avènement du Règne de
Dieu : « Les temps sont accomplis, le Royaume de Dieu est là » (Mc 1, 15). Ce Royaume, il brille aux yeux des hommes dans
la Parole, les œuvres et la présence du Christ. La parole de Dieu est en effet comparée à une semence qu’on sème dans
un champ ; ceux qui l’écoutent avec foi et sont agrégés au troupeau du Christ accueillent le Royaume lui-même ; puis, par sa propre vertu, la semence germe et croît jusqu’au temps de la moisson. L’Eglise est le terrain de culture
le champ de Dieu. Et, en même temps, elle constitue le germe et le commencement du Royaume sur la terre, comme le dit le
concile Vatican II (LG, 5) ; elle est le Royaume déjà mystérieusement présent (LG 3).
Le Christ a envoyé les Douze prêcher le Royaume. A leur tour, les Apôtres ont envoyé leurs successeurs. Aujourd’hui, les
évêques sont envoyés et envoient leurs collaborateurs, les prêtres et les diacres, pour que le Royaume soit annoncé et instauré
dans le monde entier. Tous les chrétiens sont appelés à œuvrer pour le Royaume. Les laïcs ont à chercher partout et en tout la
justice du Royaume, en mettant leurs forces à son service, à le rechercher à travers la gérance des choses temporelles. Les
consacrés, religieux et religieuses, doivent tendre à ce que, par eux, l’Eglise manifeste plus pleinement le Christ annonçant
aux foules le Royaume de Dieu. Par la pratique des conseils évangéliques, la recherche de la charité parfaite apparaît comme
un signe éclatant du Royaume de Dieu.
Ainsi donc, frères et sœurs, en ce jour de joie et de fête pour notre Eglise diocésaine, nous rendons grâce à Dieu de nous
manifester sa bonté et sa miséricorde, en nous donnant un serviteur de plus pour la mission. Comme nous l’a demandé Jésus,
nous prions le Maître de la moisson d’envoyer encore d’autres ouvriers pour la moisson. Notre Eglise a besoin de prêtres, non
pas comme d’une sorte de plus optionnel, mais comme d’une réalité essentielle à sa constitution apostolique. Prions pour que
ceux qui sont appelés répondent généreusement, sans regarder en arrière, pour la gloire de Dieu et pour le salut du monde.
+ Francis Bestion
Evêque de Tulle